CORSE 2006 – En rando sur le GR20 (section nord)

avril 27th, 2009 Posted in MONTAGNE

JOUR 5

Jeudi, 24 août 2006, ensoleillé puis couvert et bruine occasionnelle
Début du GR20, en route ver Ortu di u Piobbu

Après avoir refait le plein d’énergie quelques jours à Calvi, nous nous rendons au refuge du petit village de Calenzana, où débute le GR20. Nos sacs sont maintenant un tout petit peu moins lourd, puisque nous avons retourné par courrier à Montréal, des choses que nous avons jugées superflues. Nous sommes donc fin prêts pour la grande aventure.

Ma montre sonne à l’heure prévue. Nous sommes prêts en quelques minutes. Nous mangeons les chocolatines, et ouvrons la salade de fruits. Louise mange avec un plus d’appétit que moi. Ce levé expéditif et prématuré fait en sorte que j’ai le cÅ“ur un peu au bord des lèvres. Je réussis quand même à engloutir une partie de la salade de fruits.

Il fait encore complètement nuit lorsque nous quittons le refuge. Nous essayons de faire le moins de bruit possible. Les rues et ruelles sont désertes. Nous avançons en parlant à mi-voix. C’est surtout le bruit de nos pas, alourdis par le poids que nous supportons, qui trahit notre présence. Malheureusement, nous avons dû bifurquer au mauvais endroit. On ne reconnaît plus les rues que nous avons parcourues la veille. Nous mettrons plus d’une demi-heure à retrouver l’entrée de la piste. Finalement, ça y est. Depuis le temps qu’on en rêvait …

Le petit chemin parcouru hier se révèle sous un autre jour, puisque nous en faisons un bon bout pratiquement dans le noir. Le jour se lève rapidement. C’est la première fois que nous évoluons sous un couvert nuageux. Pour l’instant, c’est peut-être mieux ainsi. Nous travaillons déjà fort. Avec le soleil en plus, ça serait encore plus difficile. Par contre côté paysage, c’est moins intéressant. Le sentier est étroit et rocailleux, et la pente continuelle. À l’occasion, nous laissons passer les marcheurs qui sont plus rapides que nous. Après quelques 3 heures de rude montée, nous ressentons une première vague de découragement.

Avons-nous sous-estimé la difficulté de cette aventure ? Il nous semble maintenant évident que nous n’arriverons pas au refuge en début d’après-midi. Par moment, il tombe quelques petites gouttes de pluie, plutôt une petite bruine. Je surveille du coin de l’oeil l’évolution de la masse nuageuse. Pour l’instant, il ne semble pas y avoir d’orages en vue, mais pour combien de temps ?

Nous discutons un moment sur la possibilité de renoncer. Après tout nous sommes en vacances et personne ne nous oblige à faire quoi que ce soit qui ne nous plaît pas. Nous décidons de ne pas abandonner si vite. Je me souviens des récits que j’ai lu avant de partir, et tous étaient d’accord pour dire que les premiers jours sont les plus difficiles. Après on s’habitue, et tout devient plus facile. Nous nous arrêtons au promontoire d’Arghjova (820 m (±2500 pieds)). Nous retirons nos sacs et nous nous efforçons de grignoter un peu. Le paysage est beau, mais sans le soleil, c’est un peu moins spectaculaire. Nous repartons pour Bocca à U Saltu à 1250 m (±3700 pieds) Cette montée est raide et pénible. Parfois en forêt, parfois à découvert, nous n’en finissons plus de penser que nous allons atteindre ce premier col. Il faudra plus de 2 heures pour y arriver.

Nous éprouvons un immense soulagement d’atteindre enfin ce premier sommet. Nous sommes pourtant encore bien loin du but. Par contre, l’ambiance ici est assez cool. Il y plusieurs randonneurs qui lunchent, et d’autres qui se reposent. On se sent tout à coup « dans le coup ». On mange un peu nous aussi et on se repose. Nous décidons par contre de ne pas trop flâner, vu notre lenteur. Nous repartons en longeant cette fois l’autre versant de la montagne. Le paysage se transforme. La vallée est plus étroite et plus profonde. On peut apercevoir de petits villages à flanc de montagne. C’est très beau. Tout à coup on se sent un peu ragaillardi. Nous croisons quelques personnes qui nous signalent que nous allons rencontrer bientôt une première barre rocheuse avec quelques passages délicats. Nous y arrivons quelques minutes plus tard.

Nous devrions être très fatigués, compte tenu de notre état, il y a à peine une heure ou deux. Pourtant, nous sommes tout à coup énergisés par une bonne dose d’adrénaline. Le paysage qui s’offre à nous est grandiose. En plus, le soleil a tendance à montrer le bout de son nez. Nous avançons lentement, mais maintenant, plus par prudence que par fatigue. Nos bâtons sont devenus totalement inutiles. Chacun à notre tour, nous tenons les quatre bâtons pour que l’autre puisse s’agripper solidement aux rochers et avancer en toute sécurité.

Nous sommes totalement absorbés à notre jeu. Cette section sera le moment le plus intense et le plus intéressant de cette première journée. Nous finissons ainsi par atteindre le col de Bocca à U Bazzichellu. Peu de temps après, nous apercevons à notre droite le refuge de Ortu di U Piobbu. Le sentier devient moins accidenté. L’effet de l’adrénaline se dissipe rapidement et nous sommes envahis d’une grande fatigue. Le soleil nous a chauffés à bloc durant la dernière heure. Le sentier descend, et même, plus bas que le refuge, que l’on peut dorénavant apercevoir en regardant vers le haut. Cela veut dire, qu’il faudra remonter pour y arriver. Le moral des troupes est assez bas. J’avais lu en maintes occasions, des descriptions de frustrations des marcheurs par rapport au fait de voir le refuge, mais de ne jamais y arriver. C’est qu’il faut d’abord contourner la vallée qui nous en sépare.

Après une dernière montée raide, nous sommes à quelques pieds du refuge. En bon québécois « on est fait à l’os ». Nous déposons nos sacs. Nous allons à la rencontre de la gardienne. Elle nous indique que l’on peut s’installer où l’on veut. Comme nous sommes arrivés après tous les autres, on ne met pas long à comprendre que les plus beaux sites ont tous été pris. Nous devrons nous résigner à nous installer devant le refuge avec les autres retardataires….

Nous sommes sur le cap de roches, exposés aux vents et à d’éventuelles intempéries. Nous installons la tente en attachant les cordes de tension à de grosses roches, puisqu’il est impossible de faire pénétrer les piquets dans ce sol. La seule chose qui me ferait maintenant plaisir serait de me précipiter dans la tente et de faire une sieste. Impossible c’est une vraie fournaise. Le seul endroit où il y un peu d’ombre est à l’arrière du refuge. J’essaie de m’étendre sur les rochers. Je me mets à frissonner. Je retourne au soleil, j’ai chaud. J’ai du prendre un peu trop de soleil. Louise s’était probablement mieux protégée à l’aide de la lotion, car elle ne semble pas trop ressentir cet effet.

Finalement, le soleil descend à l’horizon. Il fait moins chaud, on peut se reposer un peu dans la tente. Avec un peu de repos, et quelques comprimés, je me sens en peu mieux. Nous sortons de la tente pour préparer notre souper. C’est la première fois que nous nous servons de notre brûleur. Nous arrivons à faire bouillir de l’eau et à préparer notre premier lyophilisé. Légumes et poulet, ça n’est pas mauvais, mais c’est assez épicé. Nous faisons le point sur notre situation. Nous décidons que demain nous redescendrons à Bonifatu. Là-bas, il y a un hôtel. On pourra s’y installer et réfléchir sur la suite des évènements. Nous pourrions par exemple laisser le GR20 et suivre la piste Mare Mare qui est sensée être plus facile. On sert tout et on se prépare pour la nuit. Mais avant, une petite visite aux toilettes turques.

Ici, en plus d’être accroupis en petit bonhomme pour se soulager, nous n’avons pas le droit de jeter le papier de toilette dans le trou à merde. Il faut prendre chaque papier et le déposer dans une petite poubelle devant nous. Le problème est que cette petite poubelle à un couvercle qui se referme avec un ressort. C’est tout un exercice. Louise n’apprécie pas tellement ce jeu. Plus tôt cet après-midi, elle a demandé à la gardienne, si lorsque l’on couchait au refuge, il y avait une toilette différente. Mais non! Ce sont les seules toilettes. Le coucher au refuge permet seulement d’accéder à la cuisine et d’utiliser les brûleurs à gaz qui s’y trouvent. Nous allons à la source pour faire provision d’eau. C’est la meilleure eau que nous ayons bue en Corse. Elle est très fraîche et on peut en boire à volonté. À 8:30, on s’installe pour la nuit. Tout semble aller pour le mieux quand tout à coups, le vent se lève. Comme d’habitude, Louise n’en fait pas de cas et elle arriverait presque à s’endormir, si je fermais ma gueule. La tente se met à bouger comme un JELLO et ça devient bruyant. On se demande une fois de plus, si on n’est pas trop vieux pour s’être embarqués dans une pareille galère.

Il me semble avoir vu quelques éclairs lointains à travers la toile. J’espère que nous n’aurons pas à subir un orage fort. Louise finit par s’endormir. Je n’y arrive pas du tout. Le vent devient intermittent. La toile cesse de bouger par moment. On peut entendre le vent qui arrive, bien avant qu’il ne fasse bouger la toile. C’est un bruit sourd qui provient de la vallée d’en face. Il est 23 heures, j’en ai assez. Je décide de m’habiller, et de sortir de cette enveloppe de toile qui me laisse entendre tant de bruits, mais d’où je ne peux rien voir. Armé de ma lampe frontale, je me rends d’abord aux toilettes. Il fait rudement noir partout. Je suis seul à l’extérieur. Il tombe une toute petite bruine. Après un moment, je commence à apercevoir quelques étoiles entre les nuages. Je ne vois pas d’éclairs. Les orages ont du passer ailleurs. Je décide de rentrer. Je réalise que les gouttes de pluie que nous entendions plus tôt, n’en sont pas. C’est plutôt la toile qui émet un crépitement lorsqu’elle bouge. Vers minuit, je sombre à mon tour dans le sommeil.


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