CORSE 2006 – En rando sur le GR20 (section nord)

avril 27th, 2009 Posted in MONTAGNE

JOUR 10

Mardi 29 août 2006, nuageux, éclaircies, vents extrêmes,froid
Du Tighjettu vers l’hôtel Castel Vergio, via Ciottulu à I Mori

Il fait encore nuit dans le refuge, lorsque l’on entend sonner la montre des français. Il est 6:00. En faisant le moins de bruit possible, nous nous habillons et descendons notre matériel dans la cuisine. Il faut faire gaffe car l’échelle est assez raide et on n’y voit guère. Ce matin c’est nous qui jouons de la lampe frontale. Nos collègues français et italiens ne mettent pas long à nous rejoindre. Chacun chacune s’affaire en silence, question de ne pas réveiller les 4 jeunes filles qui semblent vouloir faire la grasse matinée. Comme à chaque matin, il faut insérer ce fameux sac de couchage dans le sac de compression. Je dois en plus y faire pénétrer un petit oreiller. Une fois cette opération complétée, il faut tout replacer dans le sac à dos, pour être prêt à partir dès que le petit déjeuner est terminé. Le gardien sort à son tour des ses appartements. Il allume quelques lumières et fait chauffer le café. Il nous apporte par la suite: biscottes, pains d’épices, confitures et café.

C’est maintenant l’heure d’aller s’accroupir dans cette toilette sinistre, avec son métal grinçant et ses couleurs sombres. Le vent est toujours très présent et les nuages apparaissent sous forme d’un brouillard mouvant, au fur et à mesure que le jour se lève. Nous retirons les pierres de devant la porte et essayons de nous glisser à l’intérieur sans faire trop de bruits. Au sortir des toilettes, nous discutons avec les gens du SAMU, qui nous confirment qu’ils n’ont pas fermé l’Å“il de la nuit. Le bruit était infernal et la tente ondulait comme un Jello.

Nous saluons le gardien et nos collègues et nous mettons en route. Nous descendons rapidement. Il semble que nous commencions à nous habituer un peu au poids de notre sac. Quelques minutes après le départ nous passons à la bergerie d’Uvalonne. C’est une grande bergerie. Il y a du bivouac à cet endroit, et même un petit restaurant. On ne voit personne. Depuis notre départ nous avons croisé plusieurs vaches. Mais ici, il y a quelques ânes. En principe, il devrait y avoir des dizaines de moutons ou de chèvres, mais elles sont sans doute dispersées, ça et là dans la vallée.

Nous quittons la zone à découvert du fond de vallée et entrons dans une forêt en flanc de montagne. Les arbres sont très grands. Les pins Laricios sont à l’honneur. Comme d’habitude, nous nous arrêtons périodiquement, pour nous reposer et nous abreuver. Après environ 3 heures de marche, nous arrivons au pied d’une barre de roches. Le ciel a tendance à se dégager, mais c’est fou de voir passer les nuages blancs qui traversent d’une crête de montagne à l’autre en quelques minutes, voir secondes. Étant en forêt, nous n’avons pas été incommodés par le vent. Par contre, on le sent maintenant beaucoup plus, au pied de cet escarpement, que nous n’aurons pas le choix de monter. La matinée nous avait été relativement facile jusqu’à maintenant. Nous espérions que cette barre de roches ne nous en ferais pas trop arracher. Notre espoir fut bien vite anéanti. Nous aurions souhaité arriver tôt au refuge de I Mori dans l’espoir de doubler l’étape et de pouvoir coucher à l’hôtel, ce soir.

Les premières escalades nous ramènent très vite à la réalité. Notre progression devient de plus en plus lente. Le vent souffle de plus en plus fort. Cela devient étourdissant de voir passer les nuages à cette vitesse. Il y aussi le souffle du vent, dans les oreilles. À la longue, ce bruit persistant devient stressant. Du même coup le ravin de gauche se creuse et devient de plus en plus impressionnant. Par contre, rien à dire côté paysage et sensation forte. Chaque jour nous réserve une bonne dose d’adrénaline.
Vers les trois quarts de la grimpette, ça devient très sérieux. Nous n’arrivons pas à déterminer la vitesse du vent, car nous n’avons pas d’équipement pour ça. Nous trouvons que ça ressemble à ce qui se passe lors d’une grosse tempête de neige au Québec. Lors des escalades près du ravin, nous communiquons continuellement. Nous nous encourageons en répétant souvent « assure-toi d’avoir de très bonnes prises avant de faire un pas ». Le rugissement du vent est incessant. Il faut crier très fort pour s’entendre.

Après 2 heures d’efforts, nous croisons des gens qui arrivent en sens inverse. Ils nous confirment que le sommet est tout prêt. Cela fait du bien de rencontrer ces personnes. Nous aboutissons finalement sur la crête. Nous apercevons immédiatement l’autre versant et son immense vallée. L’air est glacial et le vent furieux. Il doit y avoir souvent ce genre de conditions atmosphérique ici, car nous découvrons que des gens ont érigé un mur de pierre d’environ quatre pieds de haut sur une dizaine de pieds de large. Nous courons vite nous y abriter. Nous reprenons peu à peu notre souffle. Nous sortons immédiatement nos chandails chauds et nos manteaux. Je réalise que sous l’effort nous ne nous sommes pas aperçus que nous étions en train de refroidir. Je crois qu’il était grand temps de revêtir quelque chose de chaud.

Nous entreprenons la descente vers le refuge. La piste se dessine très nettement devant nous. Elle semble ridiculement facile, mais il faudra s’en méfier jusqu’à ce que nous mettions les pieds sur le balcon du refuge. Nous arrivons finalement au refuge. Nous sommes accueillis par 4 chiens et 2 chevaux. Les chevaux ont des attelages qui doivent servir au transport du ravitaillement. Les chiens semblent être totalement habitués à la présence de randonneurs. Ils sont contents de nous voir et ne demande qu’à se faire flatter. Puis c’est au tour des gardiens de nous accueillir. Ils sont trois dans la cuisine. Difficile de dire qui est le gardien en chef. Salutations d’usage, on s’assoit sur le balcon et on flatte les chiens. Nous admirons le paysage autour de nous.

Je me rends compte que j’ai les deux avant-bras complètement engourdis. Je ne peux dire si c’est à cause d’une mauvaise position causée par le stress, de la façon dont j’ai tenu mes bâtons, mais ce qui me semble le plus plausible comme raison, serait tout simplement le froid. Quel réconfort d’arriver dans un endroit hospitalier où l’on se sent en sécurité. Nous marchons maintenant depuis 6 heures. Les 2 dernières heures ne nous ont pas laissé de répit. Les montagnes au dessus du refuge coupent probablement une grande partie du vent car c’est un peu plus calme ici. Par contre le froid est mordant.

Une fois de plus le site est offre des vues à couper le souffle. Juste dernière le refuge, une piste mène au Trou de Tafunatu. Ce pic de montagne ressemble étrangement à notre rocher percé. Par le trou on peut apercevoir la mer, et plus précisément le golfe de Porto, et la Réserve de Scandola. Mais pour s’y rendre et revenir, le topoguide indique trois heures. Ce qui veut donc dire pour nous, environ 4 heures.

Nous sommes pour l’instant préoccupé par le menu de la cantine qui offre une omelette au fromage Corse. Nous ne sommes pas long à nous convaincre mutuellement, que ça serait bon, et que ça nous redonnerait des forces. Nous pénétrons à l’intérieur de la salle à dîner et attendons qu’on nous serve cette omelette. Nous en profitons pour jeter un coup d’Å“il sur le dortoir, juste à côté. Il est tout petit, une douzaine de lits tout au plus. C’est sombre et très humide. Tout à coup, l’image d’une possibilité d’hôtel avec une douche bien chaude vient nous hanter. L’omelette arrive enfin. C’est une assez grosse portion. C’est tout à fait succulent. Nous goûtons à plusieurs gros morceaux de fromages fondants. On paie notre dû. On retourne sur le balcon et on demande au gardien combien de temps il faudrait pour atteindre le Castel Vergio. Il nous dit « environ 2 heures ». Louise est assise par terre. Deux des chiens l’ont adoptée. Elle les caresse. Ils on l’air de se sentir totalement en confiance. Combinés aux rayons ardents du soleil, mes vêtements chauds m’apportent un grand bien-être.

Au bout d’un moment les effets de l’omelette se font sentir. Nous nous sentons soudainement envahi d’une grande énergie. Il est 13:15. C’est décidé, nous partons pour Castel Vergio. Capuchons sur la tête, mains gantées de laine. Nous entreprenons la deuxième rando de la journée. Nous marchons d’abord sur une longue courbe de niveau, pendant près d’une heure. À un moment, du côté droit on aperçoit la mer. Il s’agit du golfe de Porto. On devrait y être pas plus tard que demain. De l’autre côté, on peut apercevoir le refuge qui est devenu minuscule. Le gros rocher juste au dessus est en fait, le trou de Tafunatu. La piste tourne vers la gauche et descend abruptement vers la vallée. Le sentier est en pierre concassée donc relativement facile par rapport aux sentiers habituels. Cependant, la pente est prononcée. J’ai les orteils écrasés dans le fond des bottes.

Arrivés au creux de la vallée, nous débouchons sur la source du Golo. Le Golo est le plus grand fleuve de Corse. (75 Km) Pour l’instant, il n’a pas l’air d’un fleuve, mais le petit torrent que nous voyons est remarquable. Nombreuses vasques et chutes, limpidité de l’eau, c’est très agréable de longer cette cascade que l’on nome E Radule. Au bout de quelques minutes, nous faisons la rencontre d’un monsieur d’une cinquantaine d’années, assez grassouillet. Il semble être accompagné d’un couple d’ados qui marchent un peu plus loin sur les rochers. Nous sommes assez surpris de voir que cet homme qui n’a pas l’air d’un athlète, soit monté jusqu’ici. Il voudrait bien discuter davantage avec nous, mais nous avons encore beaucoup de route à faire. Nous sommes obligés de nous excuser et de mettre un terme à la conversation.

Plus nous avançons à travers les cascades, plus il y de gens qui se prélassent sur de grandes roches plates près des vasques. Cela nous fait penser un peu aux chutes de Rawdon. Les arbres font leur apparition. Encore une fois d’immenses pins Laricios, qui tranchent sur le décor de rochers gris. C’est très beau. Nous franchissons une petite passerelle. Il doit bien y avoir une route pas loin à voir la quantité de familles que l’on croisent. Nous arrivons à la bergerie d’E Radule. Le temps passe.

L’omelette au fromage commence à être loin. La fatigue se fait sentir. Passé la bergerie, nous pénétrons dans une épaisse forêt. Tout à coup, la piste devient imprécise. Les taches de peinture habituellement si nettes sont maintenant très vieilles et difficile à localiser. À une fourche, nous hésitons. Nous faisons un bout de chemin, puis convaincu que nous nous sommes trompés, nous revenons sur nos pas. Nous avons beau examinés le topo-guide, nous sommes confus et surtout très fatigués.

Quelques membres du groupe du SAMU arrivent. Le gars dont le visage nous est familier nous dit que c’est bel et bien la piste. Nous les suivons. Malgré notre épuisement, nous marchons rapidement car nous ne voulons pas les perdre de vue. Il faudra mettre plus d’une heure avant d’atteindre enfin la route. De tout le voyage, ce sera mon plus grand moment d’impatience. Je commençais à être vraiment en maudit. Partis à 6:00 le matin, nous arrivons à 17:30. Cela nous fait une journée de 10 heures de marche avec notre fameux sac à dos de 35 lbs. Nous marchons maintenant sur une route asphaltée, et nous pouvons voir quelques bâtiments, et une pente de ski avec remontée mécanique. Enfin l’hôtel est en vue. C’est un assez gros bâtiment de 4 ou 5 étages.

Nous arrivons dans le lobby. Une dame donne une clé à un couple et leur indique comment monter à leur chambre, puis elle disparaît. Nous attendons, nous attendons. À un moment nous nous promenons du lobby au bar et soudain nous apercevons la dame qui est au téléphone. Nous essayons de lui passer devant pour monter que nous l’attendons. Notre tactique a l’air de porter fruit car nous l’entendons dire « bon il y des gens qui semblent attendre pour moi, alors je te rappellerai ». Non de dieu. Ce n’est pas le stress qui les étouffe ici. Elle nous rejoins finalement au comptoir du lobby et nous avons enfin une chambre.

Pendant ce temps, Louise voit la médecin passer avec un pansement sur le front. Elle dit à la blague à un des gars de son groupe, « oh, ça se peut ça un médecin avec pansement! ». Le gars lui répond, ne le dite pas trop fort, car elle est vraiment en maudit de s’être blessée. Nous montons à la chambre. C’est enfin l’heure de la douche ! Après nous être un peu reposés et changés, nous redescendons au bar en attendant le souper qui n’est à 19:30. Nous prenons une bière et un kir. D’abord très déçu de notre performance de la journée en terme de vitesse, nous recalculons les temps et nous nous apercevons que par rapport aux autres nous ne sommes pas si mal que ça.

Nous discutons avec plusieurs personnes et constatons que tout le monde en a arraché. Les italiens sont sortis sur la mauvaise route. Ils ont du marcher très longtemps sur la route pour revenir vers l’hôtel. Les français étaient aussi très fâchés de la mauvaise identification des pistes de la dernière section. Finalement notre performance est acceptable et cela fait beaucoup de bien au moral. l’ambiance dans le bar est très intéressante. On commence à connaître de plus en plus les gens, et il y des discussions animées et très intéressantes. On échange à propos de nos pays respectifs, sur différents sujets. Le bar est aussi une épicerie. On peut y acheter un tas de truc. Du thon en boîte, plusieurs autres conserves, de la confiture, du pain des glaces, etc…

Puis c’est l’heure de passer à table. Nous envahissons la salle à dîner. Notre table est bien située, presque au centre. Comme il s’agit de la pension, c’est le même repas pour tout l’monde. Une bonne soupe, suivie d’un gros plat de pâtes, puis d’un fromage de chèvre avec pain. Un pichet de vin rouge vient agrémenter tout ça. Nous quittons la table pour notre chambre. Le lit est des plus invitant.

Jean-Paul dit qu’il a parlé au cellulaire avec sa mère et qu’elle a entendu aux nouvelles qu’il y avait des vents de 120 km heures qui soufflait sur la Corse. J’ai dit à Louise, j’espère que ta mère n’entend pas ça aux nouvelles, elle pourrait être inquiète.


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