CORSE 2006 – En rando sur le GR20 (section nord)
avril 27th, 2009 Posted in MONTAGNEJOUR 18
Mercredi le 6 septembre 2006, ensoleillé
Vers Petra Piana via les lacs d’altitudes
Il est 5:30. Je me suis réveillé avant que ma montre ne sonne. Il y a déjà beaucoup d’activités à l’extérieur. Nous savons qu’une dure journée nous attend. Nous nous levons et rangeons nos choses. Nous déjeunons et partons à 6:45. Après quelques pas dans le sentier, nous réalisons que nous n’avons pas remis l’étiquette de notre tente au gardien. En fait nous n’avons jamais vu l’étiquette. Nous comprenons alors que c’est cela que les 2 gars sont venus chercher la veille. Ils n’ont pas essayé de fouiller dans le sac vert. Ils ont tout simplement récupéré les étiquettes!
Le fond de l’air est bon et frais, heureusement, car dès le départ, la montée se fait assez raide. Nous avons déjà bien chaud. Nous arrivons rapidement à des barres rocheuses qui demandent un bon nombre de petites escalades. Ces barres de roches sont recouvertes d’aulnes. Ces petits bosquets de branches raides sont désagréables. Ces branches ont la manie de se prendre dans nos sacs ou de nous infliger de belles égratignures. Nous atteignons un plateau de pozzines. Toujours surprenant de retrouver des vaches à des endroits pareils. C’est un très bel endroit, mais la journée ne fait que commencer, alors il faut continuer.
Après quelques heures de marche, nous attaquons la montée vers la brèche de Capitellu. Au-delà des crêtes, le ciel est parfaitement pur. Le soleil est en train d’envahir la vallée derrière nous. Nous serions partis 30 minutes plus tard, nous aurions fait tout le trajet au grand soleil. Cela fait toute la différence. Après 3 heures d’efforts, la porte n’est plus très loin. Notre fatigue se change tout à coup en excitation. Lorsque nous nous présentons dans la brèche, nous sommes estomaqués. Le soleil nous accueille de ses plus beaux rayons. Devant nous, une superbe vallée où trônent les lacs Capitello et Melo.
Derrière nous, c’est l’infini. Les rochers disposés de chaque côté de la brèche créé une perspective bien particulière. Nous n’en finissons plus de nous exclamer. Pour un randonneur, l’arrivée au sommet est un pur moment bonheur. Le sourire est sur toutes les lèvres. C’est souvent à cet instant que l’on décide de faire une halte, pour se reposer, se désaltérer, se nourrir et converser avec ceux, qui comme nous vivent cet état de grâce. Toute fatigue oubliée, nous descendons quelques mètres plus bas. Nous nous installons confortablement pour dîner. C’est l’heure du « Suntane ». Pour l’instant, le soleil nous fait du bien. Nous gavons nos estomacs de nourriture et nos yeux de paysages. Tout comme dans le cirque de la solitude, le décor est un paradoxe de beauté, de paix, de dureté et d’austérité.
Nous retournons en piste. Il y beaucoup de randonneurs dans cette zone. C’est à peu près l’heure ou les gens, partis du refuge Petra Piana rencontrent ceux partis de Manganu. Nous contournons les lacs en ne descendant que légèrement. Vue d’en haut la piste semblait facile, mais ça n’est pas le cas. Le sentier ressemble bientôt à un escalier géant, où l’on doit gravir les marches à coup d’escalade. À un endroit, où nous réfléchissions sur le comment franchir le prochain obstacle, arrive un groupe de français. On dirait les 3 générations: le grand-père, le père et le fils. Nous leur disons de passer. Ils nous répondent: « non non, pas de problème prenez votre temps ». Après une minute, le père décide d’y aller. Il nous dit: « regardez c’est pas très compliqué ». Il s’avance et décide de descendre la crevasse face au vide. Il ne fait pas 3 mètres, qu’il plonge tête première dans la crevasse. Il y demeure presque coincé. Tout le monde s’inquiète et lui demande si tout va bien. Il répond que oui, et après quelques bons efforts réussi à se redresser et à terminer sa descente. Il a l’air un peu sonné, mais surtout vexé. Et pour empirer les choses, un peu plus bas, un randonneur aguerri n’a pas manqué une minute du spectacle. Il lui crie très fort: « Hey là , il faut descendre à reculons, face contre roche !  » Les 3 compères s’éloignent et nous finissons nous aussi par franchir l’obstacle, face contre roche, bien entendu.
Le sentier fait place à un champ d’éboulis géants. Nous travaillons très dure et le soleil est maintenant devenu notre ennemi. Le paysage est intimidant. La roche prédomine, la roche sous toutes ces formes. À un endroit, nous mettons plusieurs minutes à solutionner l’escalade. Nous avons beau, évaluer la situation sous tous les angles, il ne semble pas y avoir d’issue. Pourtant, les taches de peinture indiquent que c’est bien là qu’il faut passer. Nous finissons par repérer suffisamment d’aspérités dans le mur de roches, pour décider de descendre. Ce n’est qu’une fois en bas que nous constatons que c’était bel et bien le chemin à prendre et que tout compte fait ce n’était pas infaisable. Nous avançons de plus en plus péniblement. La chaleur commence à drôlement nous affecter. Nous buvons fréquemment, et nous sommes protégés des coups de soleil par les crèmes. Mais, l’effet combiné de l’effort, de la chaleur dégagée par les rochers et du soleil lui-même, est en train de nous anéantir. Les rencontres se font maintenant plus rares. Lorsque cela se produit, c’est que les gens nous dépassent. Cela a un effet très décourageant.
Vers 14:30, nous sommes très concentrés sur l’un des passages délicats, lorsque que l’on entend un bruit infernal au dessus de nos têtes. En 5 secondes, deux avions de chasse, sortent de nulle part, et s’engouffrent dans la vallée. Je n’ai jamais eu le temps de voir ce dont avaient l’air ce avions. Il m’a semblé voir 2 fusées. Nous avons les jambes comme de la guenille. Le cÅ“ur nous débat jusque dans les tempes. Comme nous sommes isolés depuis quelques jours, et que nous n’avons pas écouté de bulletin de nouvelles du soir, nous nous demandons presque, si ce sont des missiles ou des avions.
Nous retrouvons peu à peu nos esprits et nous continuons. Après une montée très raide, nous atteignons au autre sommet. C’est en fait un petit plateau de pozzines. Il y plusieurs vaches qui broutent nonchalamment. Il y a aussi un grand nombre de personnes qui se reposent au soleil, sur les rochers. Ils doivent faire partie d’un groupe d’excursion à la journée, car ils n’ont que des petits sacs à dos. Nous n’avons pratiquement pas la force de les saluer. Ils nous regardent l’air de dire « wow…ils ont l’air
magané ces deux là ! »
Le paysage est à couper le souffle, mais justement nous n’avons plus de souffle ! Le temps file. Nous ne faisons qu’une courte pause, et nous continuons. Dans tout le voyage, s’il y a un endroit où je regrette ne pas m’être arrêté, c’est là . J’aurais bien aimé y prendre quelques photos et m’imprégner de cette ambiance unique. Des gens tranquilles qui se reposent au soleil en regardant des vaches tranquilles qui dégustent des touffes d’herbes. Un espèce de nid douillet surplombant des ravins vertigineux. Cet endroit était probablement aussi beau que la brèche du lac Capitellu. Nous entamons la descente sur les pentes de la Maniccia. Il y a moins de gros rochers, et plus de gravier. Cela rend le pied instable. La descente est interminable. À chaque sommet de colline, nous cherchons des yeux un refuge, au fond d’une vallée. Puis finalement, ça y est. Petra Piana est en vue. Il nous faudra 45 minutes pour atteindre le refuge. 45 minutes de « zombinisme » à se répéter l’un à l’autre, « prends ton temps ,… est-tu OK ? »
L’endroit est joli, mais le refuge est très petit. Il est clair que nous allons utiliser notre tente. Il est tard. Il reste peu de sites de bivouac potable. Nous trouvons quelque chose d’acceptable en bordure du sentier. Nous nous installons. Partis à 6:45 nous sommes arrivés à 16:00. Si l’on exclue les poses, nous avons marché au moins 8 heures. Le soleil est venu ajouter tout un poids à notre sac dos déjà très lourd. Les gens continuent à arriver jusqu’à 18:00 heures. De l’autre côté du sentier, 3 personnes discutent. L’un deux dit que c’était une étape très difficile. Non pas à cause des dénivelés mais surtout par la longueur du trajet. Ces réflexions ont pour effet de nous encourager. Finalement nous ne sommes peut-être pas aussi tortue que nous le croyons…
Nous préparons le repas. Nous sommes tellement raqués et ankylosés, de vrais robots. On n’arrive pas à s’expliquer pourquoi. Nous n’en sommes pas à notre première journée. Le lyophilisé aux haricots chili est prêt. Nous mangeons. C’est bon. Il y du monde partout sur le terrain. À la table principale du resto près du refuge, les gens commencent à trinquer. Ça rie, ça parle fort. Nous on a juste hâte de disparaître au fond de la tente pour aller dormir. Je sors les cartes. Nous évaluons les possibilités de quitter le GR20. Il serait possible d’atteindre la gare de Tattone en environ 7 heures. Nous irons à Tattone demain. nous dirons adieu au GR20 pour de bon. Nous contemplons le paysage et faisons notre préparation habituelle pour la nuit. Nous nous installons enfin dans notre sac de couchage. Nous sommes confortable. À l’extérieur, le temps est splendide. J’ai laissé le lobby ouvert pour que nous ayons le maximum d’air. Sur le terrain, l’ambiance est à la fête. C’est sans doute l’endroit où nous avons entendu le plus de rires. C’est fou. La fête ne se terminera que vers 21:00. Peu à peu le silence s’installera.
Je pense à cette journée qui fut l’une des plus dure physiquement. Je suis à la fois triste de quitter le GR20, mais satisfait de ce que nous avons réalisé.